Le bonheur est dans le jardin
Un article par Caroline Sallé
du 06 juin 2010
qui me parle complètement :
le bonheur est dans le jardin.
"Chasser le stress et l'anxiété, atténuer la dépression grâce aux pouvoirs curateurs du jardinage et, plus largement, du contact avec la nature.
C'est devenu une lapalissade. On «déstresse» en jardinant au même titre que M. Jourdain faisait jadis de la prose sans le savoir, en s'exprimant. Tout le monde a pu un jour en faire l'expérience. Et les urbains cernés par le béton l'ont bien compris, qui investissent le moindre rebord de fenêtre pour y planter géraniums ou herbes aromatiques, quand ils ne créent pas carrément un potager d'intérieur ou des murs végétaux pour se «ressourcer» au salon. Il aura pourtant fallu attendre que la moitié de l'humanité soit coupée de la terre, dans des villes étouffoirs, pour arriver à cette conclusion : la nature est indispensable à notre bien-être. Mieux : les jardins ne sont plus seulement des lieux d'agrément dédiés au plaisir des sens, ils peuvent aussi soigner nos maux.
Plusieurs études le confirment d'ailleurs. En 1986 par exemple, deux scientifiques, Ulrich et Simons, ont ainsi démontré que la vue des plantes diminuait les symptômes physiologiques liés au stress : baisse de la tension musculaire et de la pression artérielle, rééquilibrage du rythme cardiaque… En 1982 déjà, un article publié dans la revue Science avait mis en évidence que des patients se remettaient plus rapidement après une opération, qu'ils consommaient moins d'analgésiques et se sentaient plus sereins si leur fenêtre donnait sur un paysage naturel.
Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada ou encore au Japon, «utiliser des plantes et des activités de jardinage afin d'améliorer l'état physique et psychique» est devenue une «science» : l'hortithérapie. Employée pour soulager les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, les enfants autistes, hyperactifs ou anorexiques, elle atténue aussi les effets de la dépression, rassure les caractères inquiets.
Plus fort : des recherches laissent aussi penser que le jardinage pourrait en outre refréner les comportements agressifs. En Angleterre en tout cas, on y réfléchit sérieusement. D'ici à 2020, le ministre britannique de l'Éducation nationale envisage de réintroduire de grands espaces verts dans les écoles pour y dispenser des cours de jardinage susceptibles d'endiguer la violence des jeunes adolescents.
Encore balbutiantes en France, les expériences se multiplient néanmoins, grâce notamment à plusieurs associations telles Jardins et santé ou encore Belles plantes. Preuve que l'intérêt existe, un premier symposium sur les jardins à but thérapeutique s'est déroulé en 2008 à Versailles et un second doit avoir lieu en octobre prochain. En mai dernier, la Société nationale d'horticulture française a organisé un colloque sur le thème «Jardins, environnement et santé». Et à la rentrée, le CHU de Nancy inaugurera un jardin thérapeutique pour les patients atteints d'Alzheimer.
La nature serait-elle devenue l'antidote idéal au mal-être de la vie moderne ? Peut-être. «Ce qui est sûr, c'est que le jardin est désormais moins un loisir qu'un réel besoin du citadin, analyse le paysagiste Pierre-Alexandre Risser. En à peine soixante ans, le monde s'est accéléré comme jamais. Tout va très vite, nous nous habillons et nous mangeons de la même manière toute l'année et la nature n'influe plus sur nos comportements. Mais, d'un strict point de vue physiologique, nous n'avons pas évolué. Au jardin, d'une certaine manière, notre horloge interne se réveille.»
En clair, s'octroyer une pause «verte» remet nos pendules biologiques à l'heure. Cultiver des plantes, les regarder pousser, se confronter à du vivant, c'est finalement reprendre contact avec une réalité plus douce, plus lente, moins schizophrénique que celle engendrée par les nouvelles technologies. Bref, plus adaptée à notre fonctionnement d'être humain. L'esprit se met à vagabonder et du coup, comme pour la méditation, le cerveau récupère. En 1973 déjà, le professeur de psychologie Stephen Kaplan suggérait que le jardinage, en exerçant une sorte de fascination, suscitait une «attention involontaire». « Les jardiniers sont tellement absorbés dans leur travail qu'ils n'ont pas à faire l'effort qu'exige l'attention volontaire, c'est donc pour eux une période de repos.»
En outre, dans une société de plus en plus désincarnée, où le corps est laissé de côté et l'esprit sursollicité, jardiner permet aussi de retrouver un ancrage. Planter, couper, arroser… Autant de vrais gestes qui nous «reconnectent» au concret, nous rappellent notre condition d'être incarné. Donc sensible. « Mettre les mains dans la terre est une forme de thérapie par le plaisir. Le jardin est un lieu où les sens s'épanouissent pleinement, alors qu'en ville, ils ont tendance à se rétracter, c'est un formidable terrain d'émotions», résume Chantal Colleu-Dumont, directrice du Festival international de Chaumont-sur-Loire, dont le thème cette année est justement le jardin «corps et âme». Désormais, le bonheur se cultive aussi au jardin."